Par Marc Deltour
Depuis deux ans déjà, un nouveau texte qui met en valeur le projet éducatif de l’enseignement catholique francophone a vu le jour. Ce texte a gardé son nom ancien bien connu : Mission de l’école chrétienne.
Il est né d’une certaine « obsolescence » de l’ancienne édition : par ex. des termes sonnent mal à nos oreilles aujourd’hui, comme celui d’évangéliser. Plus fondamentalement, notre contexte européen de sécularisation rapide et constante* entraîne une « refonte » de nos croyances et, partant, la nécessité de renouveler notre manière de parler aux hommes de notre temps.
Quatre options étaient possibles. La 1ère, celle d’entendre la sécularisation, mais en s’y enfouissant littéralement. C’eut été l’écouter sans tenter de lui répondre. La 2e, à l’inverse, celle d’une reconfessionnalisation de l’enseignement, ou l’option identitaire : un enseignement catholique pour des catholiques. Option déjà abandonnée dès le congrès de 2002, elle n’avait pas de sens pour un authentique projet éducatif. La 3e, plus subtile, aurait pris la voie d’une référence aux valeurs chrétiennes. Beaucoup parlent ainsi, mais c’aurait été, ici aussi, réducteur des ressources portées par le meilleur de la Tradition chrétienne. La voie choisie a été celle d’une recontextualisation, d’une réinterprétation de la tradition éducative portée par le christianisme. Dans l’échange qu’Etienne Michel a eu il y a 4 ans avec les évêques, il était question de mobiliser la référence à la tradition chrétienne de l’éducation pour contribuer à la formation de l’identité des élèves dans un contexte de pluralité des convictions. De cette manière, la référence au christianisme n’est pas banalisée mais assumée de manière explicite comme une référence éducative, tout en s’interdisant toute forme de prosélytisme et en s’adressant à des élèves et des étudiants dont la liberté de penser est également encouragée.
Ce choix fut donc celui d’une éducation référée explicitement à ses sources, dans un dialogue avec la culture contemporaine. Cela nécessitait de poser un diagnostic sur les évolutions culturelles contemporaines et de penser le devenir de la culture scolaire dans ce contexte. Si la culture d’aujourd’hui tend à être dominée par la satisfaction immédiate et le consumérisme, par l’individualisme et l’utilitarisme, la culture proprement scolaire – et en particulier la culture de l’enseignement catholique – se présente jusqu’à un certain point comme une sorte de contre-culture nécessaire pour penser la mission de l’école au XXIème siècle.
Telle est l’option prise par l’équipe d’une dizaine de personnes, judicieusement choisies et placées sous l’autorité du Professeur Jean de Munck (UCLouvain). Cette équipe a travaillé plus d’une année et les différentes versions du texte ont reçu différentes corrections par les nombreuses personnes engagées au sein de l’enseignement catholique. Equipes diocésaines, directions responsables, fédérations d’enseignement, divers « experts » et j’en passe, autant de membres de la nébuleuse référencée « SeGEC » se sont emparés de la version première pour la faire évoluer vers le produit final.
Comme le dira Jean de Munck lors de l’université d’été consacrée à ce projet éducatif (en août 2022), l’école se veut un PROJET CULTUFREL pour le XXIe siècle. Les grands thèmes qui ont mobilisé l’écriture du texte ont été : 1°) la personne comme liberté, l’accent étant mis à la fois sur le fait que nous n’existons que grâce à diverses relations constitutives de notre être et de ses capacités ; 2°) la culture (et son articulation aux savoirs) comme ressource pour la liberté. Il s’agissait ici d’éviter le relativisme si fréquent, tout en orientant son regard vers la recherche de vérités validées. Il s’agissait aussi d’ouvrir un espace critique où la dimension spirituelle de la personne puisse trouver des ressources pour se construire dans le dialogue avec d’autres convictions religieuses et/ou philosophiques. Dans une culture qui change, la référence à la transition écologique tient aussi une place particulière. 3°) L’école est aussi un acteur politique à part entière, avec sa part de formation citoyenne, sa référence éthique à l’égalité de tous (femme comme homme par ex.), une attention étant portée à l’inclusion de la diversité. 4°) La question de la place de l’enseignement catholique au sein de l’espace démocratique a aussi rappelé quelques dimensions originales de l’école catholique. Celle-ci se conforme en effet aux exigences pédagogiques de la Fédération d’Enseignement tout en occupant un rôle subsidiaire au sein de l’Etat démocratique. Ainsi quelques éléments originaux restent l’apanage d’une école catholique : par exemple une volonté de proximité entre l’école et ses acteurs qui permet une réactivité rapide en cas de difficultés et de problèmes très divers ou encore un pouvoir de responsabilité (appelé pouvoir organisateur) reposant sur une équipe de personnes qui offrent toutes temps et compétences dans un volontariat gratuit mais professionnel au service d’une ou plusieurs écoles.
Découvrir le trésor éducatif de ce projet spécifique est possible au sein de chaque école : il suffit pour cela de prendre contact par ex. avec Colette Dethier, conseillère en pastorale (colette.dethier@segec.be) ou avec le vicariat de l’enseignement (vicariat.enseignement@evechedeliege.be).
Marc Deltour
* A ceux qui désirent approfondir cette question, je conseille la lecture d’un opuscule dynamique réalisé par Charles DELHEZ, Eglise catholique. Renaître ou disparaître, Editions jésuites, 2022, 78 p.