Ces propos sont ceux de Delphine Horvilleur lors d’une interview accordée à La Libre Belgique et publiée ce samedi 18 mars. L’article est en accès libre.
Delphine Horvilleur, née en France en 1974, obtient son diplôme de rabbin à New York en 2008. Elle est ensuite nommée rabbin(e) à Paris pour le MJLF (Mouvement juif libéral de France). Elle dirige également le magazine Tenou’a.
Rabbine parmi les rabbins, Delphine Horvilleur a donné au mouvement juif libéral (aujourd’hui « Judaïsme en mouvement ») un nouvel essor. Si sa voix est très écoutée, ce n’est pas seulement parce qu’elle est claire et accessible, c’est aussi parce qu’elle est forte et lumineuse. Ses propos heurtent souvent les orthodoxes et les fondamentalistes. Son credo : l’ouverture et la tolérance, le respect et la bienveillance. L’amour, quoi. Mais un amour des autres qui se nourrirait de leurs différences.
Elle cultive le doute qui construit. Elle aime jeter des ponts, ouvrir les portes et les fenêtres, même en temps de confinement. Surtout en temps de confinement. Car la tendance actuelle est plutôt au repli sur soi. « Cette crise, dit-elle, renforce les monologues idéologiques : confinées chez elles, beaucoup de personnes ne font que consolider leurs certitudes. » D’où son doute sur la manière dont nous sortirons de ce confinement : grandis ou médiocres, courageux ou peureux ?
Elle aime brouiller les pistes, même si elle le fait sans souci aucun de la provocation. Dans un monde religieux qui ne laisse pas beaucoup de place aux femmes, elle a choisi d’accéder au rabbinat après avoir étudié les textes à New York là où le mouvement juif libéral permettait l’ordination de femmes.
À Paris, ses offices attirent la foule des juifs et des non-juifs, des anonymes et des people. Elle a officié aux enterrements de Simone Veil et de Sonia Rykiel. Elle a créé Tenou’a, un atelier de pensée juive. Chaque mardi, confinement oblige, elle donne un exercice en vidéoconférence qui attire plus de 70 000 personnes. Pourquoi ? Parce que Delphine Horvilleur crée du savoir, répand de l’empathie, donne de l’espoir et aide à comprendre le monde. Que demander de plus ?
Delphine Horvilleur est l’une des trois femmes rabbins de France. Elle a été ordonnée en 2008 à New York et est aujourd’hui la voix la plus écoutée du judaïsme libéral, minoritaire en France.
Nationalismes, fondamentalismes, replis communautaires, testes ADN, obsessions des origines… l’heure est à la fête identitaire déclinée sous des formes multiples.
Mais est-il possible de dire vraiment qui on est ? Et pourquoi ne pas y parvenir pourrait être une bénédiction ?
Dans ses prises de paroles, dans sa relecture des textes, dans ses livres, Delphine Horvilleur questionne l’acceptation (ou le refus) de l’altérité, les genres et les identités. Elle a récemment sorti, chez Grasset, “Réflexions sur la question antisémite”. Elle explore l’antisémitisme d’un point de vue juif via les textes sacrés, les légendes et s’intéresse à la façon dont les discours antisémites ont modelé les féminités et les masculinités juives.
Egérie du camp progressiste, honnie par les tenants d’un judaïsme rigoriste, la rabbine Delphine Horvilleur est au carrefour des questions qui interrogent notre temps.